Durant le mois de mars, Laurent Burlet, journaliste à Rue89Lyon, est intervenu devant des élèves du lycée professionnel André Cuzin, à Caluire-et-Cuire. Il raconte cette expérience.
Dans l’immense majorité, ce sont des garçons âgés de 16 à 18 ans. Demain, ils seront peintres, électriciens, plombiers, maçons, charpentiers ou installateurs/réparateurs de climatiseurs.
Les élèves que j’ai eus devant moi sont scolarisés en seconde bac pro ou en terminale CAP. Autant dire que leur formation ne les destine pas au métier de journaliste.
Mais ils comprennent certainement mieux que des élèves d’un lycée général une logique de métier. C’est le parti pris que j’ai adopté pour leur parler de médias et de la fabrique de l’information.
Le métier de journaliste dans un lycée pro de Caluire
Je suis intervenu douze fois deux heures, par demi groupe. Covid oblige.
Au programme de ces séances d’initiation à la presse, la découverte du métier de journaliste qui s’exerce selon une éthique particulière. Au première rang, nous dit la Charte de déontologie de Munich, se trouve le « respect de la vérité ».
Un maçon doit bâtir un mur droit, un charpentier construire un toit solide, un plombier installer des toilettes qui ne fuient pas. Et un journaliste doit dire la vérité des faits et les mettre en perspective.
Il y a des erreurs. Souvent, malheureusement. Comme l’annonce de la mort de Martin Bouygues ou l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès. Mais à chaque fois, les médias fautifs ont fait des correctifs, s’ils ne se sont pas excusés.
Le recueil de l’info, la vérification, la hiérarchisation, la diffusion, ce sont tous ces aspects du métier que les élèves du lycée Cuzin ont pu découvrir. De BFM à Rue89Lyon, nous avons abordé les différentes manières d’exercer le journalisme et l’industrie de la presse.
« Monsieur, vous gagnez combien ? » a sans conteste été la question que l’on m’a le plus posée.
Je leur ai répondu que je gagne environ 1500 euros par mois, avant de présenter le modèle économique et la ligne éditoriale qui expliquent ce niveau de rémunération : un site d’enquêtes local possédé par ses journalistes fondateurs (dont je fais partie).
Contrairement à de nombreux titres de presse, nous ne faisons pas partie d’un grand groupe de presse piloté par un milliardaire. Ce qui m’a permis de présenter la très instructive carte des médias français pondue par le Monde Diplomatique et Acrimed et tous les enseignements que l’on peut en tirer.
Fake news : ne pas se faire manipuler
Faire des erreurs n’est pas synonyme de diffusion de fake news. C’est le deuxième enjeu de cette intervention : parler infox/fake news/fausses informations.
Il s’agit surtout de comprendre l’objectif de la production de fake news : manipuler le lecteur/spectateur pour le faire cliquer à des fins politiques ou mercantiles (ou les deux).
Les élèves du lycée Cuzin maîtrisent le concept d’infos « putaclic » pour générer du trafic donc des retombées publicitaires.
S’agissant des fake news politiques, elles sont plus difficiles à détecter pour eux. Guillaume Boucharlat est professeur de lettres-histoire. Il témoigne :
« Les élèves détectent les fake news qui ne les arrangent pas. Mais pas celles qui les arrangent. »
Je leur ai donné quelques outils comme la recherche inversée pour les photos et les vidéos.
Surtout, je leur ai conseillé de s’informer chez des professionnels de l’info, autrement dit les journalistes, tout en exerçant leur esprit critique. Avec les smartphones et les réseaux sociaux, on peut produire et diffuser de l’info en amateur. Comme je peux bricoler de la maçonnerie le dimanche. Mais si je fais ça, il y a de fortes chances que mon mur finisse tordu.
Je préfère faire confiance à un maçon professionnel. C’est pareil pour s’informer. Mieux vaut faire appel à des pros.
L'EMI fait partie de leur formation mais la rencontre et les échanges avec un journaliste permettent aussi de déconstruire certaines idées reçues.
Merci Laurent !