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Contre les fake news : à Lyon, les MJC testent un nouvel outil de « Des-Infox » avec des collégiens
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Contre les fake news : à Lyon, les MJC testent un nouvel outil de « Des-Infox » avec des collégiens

Conçue par la Confédération des MJC de France à l’automne 2021, la mallette anti-fake news était expérimentée pour la première fois dans un collège du Rhône. Pendant un peu moins de deux heures, les élèves de 4ème se sont questionnés sur l’origine des informations et le traitement médiatique. Reportage.

La sonnerie de 10h20 retentit. Ce matin au collège des Minimes dans le 5ème arrondissement lyonnais, les classeurs de physique-chimie et les becs bunsen ont laissé la place à une pile de journaux et de larges pancartes « Des-Infox », contre les fake news.

Les 27 élèves de 4ème sont accueillis en salle par deux intervenantes : Clémentine Marty, coordinatrice enfants jeunesse à la MJC de Saint Just et Aline Olympio, animatrice jeunesse famille et responsable extrascolaire à la MJC de Ménival. Toutes deux ont été formées pendant une semaine à l’utilisation du nouvel outil d’éducation aux médias et à l’information créé par le réseau national des MJC. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, elles sont huit animatrices à avoir suivi la formation. Dans le Rhône, Clémentine Marty et Aline Olympio sont les premières à l’expérimenter, après un test au sein de la MJC d’Ambérieux, dans l’Ain, une semaine plus tôt.

Contre les fake news, quelle crédibilité des propos ? apprendre à repérer qui parle

Pour le premier module, les élèves, séparés en deux groupes, se rassemblent autour de quatre plaques fluorescentes.

Celles-ci indiquent : “les témoignages personnels rapportés” ; “les on-dit” ; “les paroles d’experts” ; “les études scientifiques”. Chaque étudiant reçoit une carte en main qu’il doit placer sur la plaque correspondante. Le thème central : les piqures de moustique.

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Outil du premier module Des-Infox : l’évaluation des preuves

Ensemble, le groupe discute ensuite des choix réalisés et de l’origine des sources. Qui parle, quelle crédibilité apporter à sa parole, quand faut-il se méfier…

“Comment sait-on qu’une parole d’expert est vraie” ? Interroge Clémentine Marty. 

“On vérifie le site”, répondent plusieurs élèves.

La réponse est correcte mais l’animatrice veut désormais les amener à aller plus loin.

« Il faut également questionner les informations qui comportent de nombreux chiffres ou termes compliqués. Etant donné qu’on n’est pas expert nous-même, ça peut nous embrouiller. Et puis il faut se poser la question de qui parle, et par qui il est financé : par exemple si ça vient d’une entreprise qui commercialise par ailleurs le produit dont il fait la promotion, ou si le scientifique publie une étude en étant payé par l’entreprise concernée… C’est un peu comme les influenceurs sur les réseaux sociaux, c’est une forme de placement de produit ! Ils vont vous convaincre d’acheter n’importe quelle crème aux vertus incroyables”.

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Lors de l’atelier de Des-Infox, les élèves doivent distinguer d’où proviennent les informations.

Six modules au sein de la malle Des-Infox

Ce premier module s’intitule « Evaluation des preuves ». D’après sa présentation dans la malle pédagogique, il doit servir à « identifier la relation entre l’enjeu que revêt une information et ma manière de l’appréhender (probable, improbable, fiable ou non) » ainsi qu' »expérimenter et construire l’échelle des preuves qui permettra de déterminer si une information est fiable ou non au regard d’une démarche scientifique ».

Des-Infox, l’outil d’éducation aux médias construit par le réseau des MJC contient 6 modules au total, dont trois sont testés ce matin-là en classe. Tous ont pour but affiché de développer une lecture critique et distanciée des médias, de mettre en œuvre des compétences de recherche, de sélection et d’interprétation de l’information, et d’engager une réflexion sur la compréhension des médias, des réseaux et des phénomènes informationnels.

« Nous avons 1h40, c’est déjà très speed, alors on a choisi les trois modules qui nous semblaient les plus adaptés à l’âge des élèves et aux matières enseignées par les professeurs qui nous reçoivent aujourd’hui, à savoir physique-chimie et SVT », expliquent les animatrices.

Les élèves quittent la première salle pour se rendre en classe de SVT. Attablés par petits groupes, ils se retrouvent cette fois devant des planches présentant certaines affirmations historiques ou scientifiques. Le module s’appelle « Histoire des Infox » et l’objectif est le suivant : établir la véracité des informations écrites puis replacer les évènements dans un ordre chronologique sur une frise historique. 

« La Terre est plate comme une soucoupe » est rapidement démentie, tout comme la planche « nous n’avons pas marché sur la Lune ».

Aidés par les encadrantes, les élèves listent les noms et dates qu’ils ont appris en cours.

« C’est Christophe Colomb qui découvre l’Amérique en 1492. C’était pas aussi lui qui a parlé de la Terre ronde ? », questionne une étudiante.

« La Lune, je sais que c’est en 1969 ! », affirme l’un de ses camarades.

Le module est adapté pour des élèves à partir de la classe de 4ème.

La troisième planche pose davantage de difficultés aux adolescent·es qui ne saisissent pas l’affirmation « l’eau a de la mémoire ».

“Je dirais que l’eau a de la mémoire parce que je l’ai vu dans la reine des neige 2!”, s’amuse une élève.

« Moi je dirais oui, mais sans pouvoir justifier. Mais il y a des choses qu’on ne sait pas expliquer scientifiquement », assure sa camarade en face.

« Leurs raisonnements étaient plutôt bons, mais ils ne sont pas allés assez loin sur la question moléculaire de l’eau, même si c’est vrai que c’était loin d’être évident comme carte », souligne leur professeure de physique, Sophie Wozniak.

Sur la table d’à côté, plusieurs jeunes abondent à la thèse « Tchernobyl : le nuage ne passe pas les frontières”. Aline Olympio en profite pour revenir sur l’évènement et expliquer les rouages politiques et médiatiques effectivement déployés à cette époque par les gouvernements pour rassurer les populations.

Les intervenantes de la MJC discutent de la véracité des informations
Les intervenantes de la MJC discutent de la véracité des informations

« C’est comme la prophétie de la fin du monde prévue pour 2020 », poursuit l’animatrice. « Il faut toujours se demander quelles sont les conséquences mais aussi les raisons qui poussent à véhiculer une fausse information. Vendre, faire peur, pousser à l’action… Il y a toujours un objectif, un intérêt individuel ou collectif à faire circuler l’info”.

Dans la peau d’un journaliste : construire un angle

Le troisième et dernier module de la malle Des-Infox doit permettre de mobiliser les réflexes acquis lors des précédents exercices. A partir d’une information, ils vont devoir rédiger le texte d’un article. Séparés en deux groupes, les élèves se divisent cette fois entre « journalistes » et « témoins ».

« Je vous donne le contexte : une explosion a eu lieu à la piscine du village. Racontez ce qu’il s’est passé, d’un côté en adoptant le point de vue du Libéré, le journal pro-maire, de l’autre en vous positionnant comme journalistes de La Nova, opposée au pouvoir en place », explique Clémentine Marty.

Les élèves du collège des Minimes lors de l’atelier Des-Infox conçu par le réseau des MJC.

Avant de démarrer la mise en situation, les intervenantes distribuent aux étudiant·es des journaux et leur demandent de se répartir en quatre groupes. Le premier prend Le Figaro, le deuxième Le Monde, le troisième Libération et le quatrième, Charlie hebdo. Il s’agit dans un premier temps d’apprendre à repérer la fréquence de publication, la zone géographique (local, régional, national), de lister les principaux sujets traités et le bord politique du journal.

« A leur âge ce n’est pas évident. En 4ème, ils commencent tout juste à avoir des notions de droite et gauche », estime Sophie Wozniak, leur enseignante de physique-chimie.

Le module n’est d’ailleurs pas proposé avant la classe de 4ème. Penchées sur une caricature de Mélenchon dans Charlie Hebdo, une adolescente s’exclame en effet :

« Lui c’est la droite c’est ça ? Je suis sure qu’il est à droite ! »

Corrigée par sa professeure, elle analyse ensuite :

« Mais du coup, ils caricaturent Mélenchon mais aussi Zemmour, alors on ne peut pas savoir si c’est de droite ou de gauche !”

fake news Lyon
Le troisième module est consacré à l’écriture d’un article selon un angle précis.

A côté, les autres groupes hésitent moins.

“Le Monde, c’est neutre, Libération de gauche et Le Figaro, de droite ».

« Vous êtes d’accord pour dire ça ? », vérifie tout de même Clémentine Marty, de la MJC, auprès de l’enseignante.

L’enjeu n’est pas d’entrer dans les subtilités, mais de montrer les différences de traitement d’un même sujet avant de démarrer la mise en situation.

Dans la salle d’à côté, les « témoins » réalisent des petites scénettes en vidéos : des enseignantes qui ont vu l’explosion, des chimistes qui en expliquent la cause, des collégiens ayant vécu la scène pendant leur cours de sport, le préfet et le sous-préfet pour la communication officielle, des pompiers volontaires, un militant écolo qui passait par là, et enfin le pisciniste.

Deux par deux, les apprentis journalistes sont désignés pour aller regarder chacun leur tour une vidéo avant d’en rapporter le contenu à leur équipe éditoriale. Sur la base de ces informations, l’exercice consiste à trouver un titre en Une, puis rédiger quelques lignes de l’article avec un angle. 

Le Libéré titre ainsi : “fumées noires à la piscine” et La Nova « “explosion d’une violence rarissime à la piscine municipale ».

A 12h10, la sonnerie interrompt l’atelier juste avant la fin. Les élèves termineront la rédaction le soir, en classe avec leurs professeures.

Classe coopérative sur les fake news

fake news Lyon
Au collège des Minimes à Lyon, une classe de 4ème mène un projet coopératif autour des fake-news.

Bien qu’il puisse être testé avec un large public de collégiens ou de MJC, l’atelier de Des-Infox ne s’est pas déroulé dans une classe ordinaire au sein du collège des Minimes. Depuis quatre ans, l’établissement mène un projet de « classe coopérative ».

« Il s’agit de construire un projet transversal sur plusieurs disciplines et de mener un projet coopératif sur plusieurs mois de l’année, en prenant sur certaines de nos heures de classe et en ajoutant des heures à l’emploi du temps des élèves », détaille Anne-Laure Vernero, professeure de SVT et co-encadrante de la classe coopérative avec sa collègue de physique-chimie.

Ces classes travaillent ensemble pendant deux années consécutives.

« Un temps nécessaire pour acquérir des mécanismes de coopération de travail en équipe », souligne Anne-Laure Vernero.

Après avoir suivi le Vendée Globe en 5ème, cette année les deux enseignantes ont choisi le thème des fake news.

On a choisi ce sujet car on entend de plus en plus de remarques de jeunes qui se réfèrent à ce qu’ils ont vu ou entendu sur les réseaux sociaux, notamment sur Tik Tok . Parfois ils ont des doutes et nous interrogent pour avoir notre avis, mais régulièrement ils nous opposent ce qu’ils ont vu et nous reprennent en assurant que c’est nous qui avons tort », raconte Anne-Laure Vernero.

Avant l’atelier proposé par les animatrices des MJC, les élèves avaient déjà suivi deux séances avec la documentaliste du collège sur la véracité des sites internet. L’objectif du projet, à terme : créer un outil en libre accès au CDI qui pourra être utilisé par la documentaliste avec les autres classes de 4ème ou de 3ème.

« Rien de trop ambitieux, sourit l’enseignante. On imagine des petites fiches avec des vraies infos et des fake news, un outil de débunkage à notre échelle. Comme ça, idéalement, ce sont les élèves qui deviendront des médiateurs auprès des autres sur ce sujet ».

Des élèves plutôt convaincus par l’atelier Des-Infox

Interrogés par questionnaires à la fin de l’atelier, les élèves ont pu donner leur avis sur le fond et la forme des modules.

Questionnaire rempli par une élève suite à l'atelier Des-Infox fake news Lyon
Questionnaire rempli par une élève suite à l’atelier Des-Infox

« Drôle et amusant » pour la dernière activité – le fait de se mettre dans la peau d’un journaliste ou d’un témoin et d’écrire ensuite un journal -, qui remporte la majorité des suffrages, bien que la première activité ait également intéressé la classe.

Presque tous ont souligné que l’intervention globale avait été utile, car ils avaient pu « apprendre des choses », notamment comment repérer ou se méfier d’une information, soulignant toutefois pour beaucoup qu’ils en « connaissaient déjà une partie ».

« Tout ce qu’on voit sur internet n’est pas vrai », note par exemple Margaux.

« La même information peut être différente selon les personnes », complète Aristide.

« On doit plus se fier aux experts, qu’aux « on m’a dit » », écrit Gabriel. Mayssane, pour sa part, précise que « même les études scientifiques, ce n’est pas toujours justes ».

« L’animation m’a servi, mais je sais je ne sais pas si je serais prête à prendre mon temps pour vérifier des info ou infox », avoue finalement Aissatou. Tandis que Candice, elle, estime qu’elle réutilisera les compétences acquises « pour impressionner la famille aux repas familiaux » !

Pour déployer la mallette au niveau national, la Confédération des MJC espère désormais former 200 intervenants en 2022 et toucher plus de 100 000 jeunes dans les cinq ans.

L'AUTEUR
Margot Hemmerich
Journaliste indépendante basée à Lyon, spécialisée prison, justice et questions sociales

Boîte à outils

La mallette est composée de 6 modules différents, dont les supports d’animation varient (jeu de plateau, projection vidéo, immersion sensorielle, panneaux explicatifs...).

La production

L'outil Des-Infox est conçu par la Confédération des MJC de France. Il s'adresse aux adolescents de 12 à 18 ans. Il a notamment été financé par le ministère de la Culture.

Contacts

Confédération des MJC de France : 01 44 85 29 81 DES-INFOX@CMJCF.FR

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